Sommaire
1. Lorsqu'un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l'article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement nº 1346/2000, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l'État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d'établir l'existence d'une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d'une société qui n'exercerait aucune activité sur le territoire de l'État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu'une société exerce son activité sur le territoire de l'État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.
(cf. point 37, disp. 1)
2. L'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que la procédure d'insolvabilité principale ouverte par une juridiction d'un État membre doit être reconnue par les juridictions des autres États membres, sans que celles-ci puissent contrôler la compétence de la juridiction de l'État d'ouverture. En effet, la règle de priorité définie à cette disposition, qui prévoit que la procédure d'insolvabilité ouverte dans un État membre est reconnue dans tous les États membres dès qu'elle produit ses effets dans l'État d'ouverture, repose sur le principe de la confiance mutuelle qui a permis la mise en place d'un système obligatoire de compétences et la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d'exequatur au profit d'un mécanisme simplifié de reconnaissance et d'exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d'insolvabilité. Si une partie intéressée, considérant que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte la procédure d'insolvabilité principale, entend contester la compétence assumée par la juridiction qui a ouvert cette procédure, il lui appartient d'utiliser, devant les juridictions de l'État membre où celle-ci a été ouverte, les recours prévus par le droit national de cet État membre à l'encontre de la décision d'ouverture.
(cf. points 39-40, 43, disp. 2)
3. L'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue une décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité la décision rendue par une juridiction d'un État membre saisie d'une demande à cet effet, fondée sur l'insolvabilité du débiteur, tendant à l'ouverture d'une procédure visée à l'annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d'un syndic visé à l'annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu'il détient sur son patrimoine. En effet, le mécanisme prévoyant que ne peut être ouverte qu'une seule procédure principale, produisant ses effets dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable, pourrait être gravement perturbé si les juridictions de ces derniers, saisies concomitamment de demandes fondées sur l'insolvabilité d'un débiteur, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente. Il importe donc, aux fins d'assurer l'efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance prévu par cette disposition puisse s'appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure.
(cf. points 52, 54, disp. 3)
4. L'article 26 du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens qu'un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d'insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque la décision d'ouverture a été prise en violation manifeste du droit fondamental à être entendue dont dispose une personne concernée par une telle procédure. Si les modalités concrètes du droit à être entendu peuvent varier en fonction de l'urgence qu'il peut y avoir à statuer, toute restriction à l'exercice de ce droit doit être dûment justifiée et entourée de garanties procédurales assurant aux personnes concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées dans l'urgence. S'il appartient au juge de l'État requis d'établir si une violation manifeste du droit d'être entendu a effectivement eu lieu lors du déroulement de la procédure devant la juridiction de l'autre État membre, ce juge ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l'oralité des débats et du caractère fondamental que celle-ci revêt dans son ordre juridique, mais doit apprécier, au vu de l'ensemble des circonstances, si les personnes concernées par ladite procédure ont bénéficié ou non d'une possibilité suffisante d'être entendues.
(cf. points 66-68, disp. 4)
Publication reference
-
Publication reference: Recueil de jurisprudence 2006 I-03813
Document number
-
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:281
-
Celex-Nr.: 62004CJ0341
Authentic language
-
Authentic language: anglais
Dates
-
Date of document: 02/05/2006
-
Date lodged: 09/08/2004
Classifications
-
Subject matter
Miscellaneous information
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Author: Cour de justice
-
Country or organisation from which the decision originates: Irlande
-
Form: Arrêt
Procedure
-
Type of procedure: Recours préjudiciel
-
Judge-Rapportuer: Jann
-
Advocate General: Jacobs
-
Observations: République tchèque, Irlande, France, EUMS, EUINST, Finlande, Autriche, Commission européenne, Allemagne, Hongrie, Italie
-
National court:
- *A9* Supreme Court, judgment of 27/07/2004 (147/2004)
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- - Zeitschrift für Wirtschaftsrecht 2004 p.1974 (résumé) (Texte allemand)
- - Int'l Lis 2006/2007 p.15-20 (Texte italien)
- - JURIFAST
- - Herweg, Christian; Tschauner, Heiko: Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht 2004 p.973-974
- - Pannen, Klaus; Riedemann, Susanne: Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht 2005 p.725-726
- *P1* Supreme Court, judgment of 03/07/2006 (147/2004)
- - JURIFAST
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2. Pannen, Klaus ; Riedemann, Susanne: Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht 2005 p.725-726 (DE)
25. Sobotková, Kateřina: Úpadkové řízení - zásada přednosti a vzájemné důvěry, Jurisprudence : specialista na komentování judikatury 2006 p.66-69 (CS)
41. Hess, Burkhard ; Laukemann, Björn ; Seagon, Christopher: Europäisches Insolvenzrecht nach Eurofood: Methodische Standortbestimmung und praktische Schlussfolgerungen, Praxis des internationalen Privat- und Verfahrensrechts 2007 p.89-98 (DE)
Relationship between documents
- Treaty: Traité instituant la Communauté économique européenne (1957)
-
Case affecting:
Affects Legal instrument Provision Interprète 32000R1346 A16P1L1 Interprète 32000R1346 NC Interprète 32000R1346 NA Interprète 32000R1346 A03P1 Interprète 32000R1346 A26 -
Instruments cited:
Legal instrument Provision Paragraph in document 41968A0927(01) N 40 41968A0927(01) A27PT1 N 62 - 64 61995CJ0185 N 65 61998CJ0007 N 62 63 65 61998CJ0174 N 65 61998CJ0189 N 65 32000R1346 A26 N 61 - 68 32000R1346 A03P2 N 28 32000R1346 A29 N 57 32000R1346 A01P1 N 46 32000R1346 A03P1 N 26 - 37 41 32000R1346 NA N 47 54 32000R1346 NC N 47 54 - 57 32000R1346 A38 N 56 57 32000R1346 A17 N 60 - 68 32000R1346 A16P1L1 N 38 - 58 32000R1346 A16P1 N 38 - 58 62002CJ0116 N 40 62002CJ0159 N 40
Affaire C-341/04
Eurofood IFSC Ltd
(demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court)
«Coopération judiciaire en matière civile — Règlement (CE) nº 1346/2000 — Procédures d'insolvabilité — Décision d'ouverture de la procédure — Centre des intérêts principaux du débiteur — Reconnaissance de la procédure d'insolvabilité — Ordre public»
Conclusions de l'avocat général M. F. G. Jacobs, présentées le 27 septembre 2005
Arrêt de la Cour (grande chambre) du 2 mai 2006
Sommaire de l'arrêt
(cf. point 37, disp. 1)
(cf. points 39-40, 43, disp. 2)
3. L'article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue une décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité la décision rendue par une juridiction d'un État membre saisie d'une demande à cet effet, fondée sur l'insolvabilité du débiteur, tendant à l'ouverture d'une procédure visée à l'annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d'un syndic visé à l'annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu'il détient sur son patrimoine. En effet, le mécanisme prévoyant que ne peut être ouverte qu'une seule procédure principale, produisant ses effets dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable, pourrait être gravement perturbé si les juridictions de ces derniers, saisies concomitamment de demandes fondées sur l'insolvabilité d'un débiteur, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente. Il importe donc, aux fins d'assurer l'efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance prévu par cette disposition puisse s'appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure.
(cf. points 52, 54, disp. 3)
(cf. points 66-68, disp. 4)
ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)
Dans l’affaire C-341/04,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre des articles 68 CE et 234 CE, introduite par la Supreme Court (Irlande), par décision du 27 juillet 2004, parvenue à la Cour le 9 août 2004, dans la procédure
LA COUR (grande chambre),
avocat général: M. F. G. Jacobs,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 juillet 2005,
considérant les observations présentées:
– pour la Bank of America NA, par MM. M. M. Collins et L. McCann, SC, ainsi que par MM. B. Kennedy, barrister-at-law, et M. W. Day, solicitor,
– pour M. Farrell, Official Liquidator, par MM. M. G. Collins, SC, et D. Murphy, barrister-at-law, ainsi que M. T. O’Grady, solicitor,
– pour les Certificate/Note holders, par MM. D. Baxter, solicitor, D. McDonald, SC, et J. Breslin, barrister-at-law,
– pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de M. D. Barniville, barrister-at-law,
– pour le gouvernement tchèque, par M. T. Boček, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement allemand, par M. W.-D. Plessing, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualité d’agent, assisté de MM. O. Fiumara et M. Massella Ducci Teri, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement hongrois, par M. P. Gottfried, en qualité d’agent,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 27 septembre 2005,
rend le présent
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité concernant la société de droit irlandais Eurofood IFSC Ltd (ci-après «Eurofood»).
3 Aux termes de son article 1er, paragraphe 1, le règlement s’applique «aux procédures collectives fondées sur l’insolvabilité du débiteur qui entraînent le dessaisissement partiel ou total de ce débiteur ainsi que la désignation d’un syndic».
b) ‘syndic’: toute personne ou tout organe dont la fonction est d’administrer ou de liquider les biens dont le débiteur est dessaisi ou de surveiller la gestion de ses affaires. La liste de ces personnes et organes figure à l’annexe C;
[…]
e) ‘décision’: lorsqu’il s’agit de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ou de la nomination d’un syndic, la décision de toute juridiction compétente pour ouvrir une telle procédure ou pour nommer un syndic;
f) ‘moment de l’ouverture de la procédure’: le moment où la décision d’ouverture prend effet, que cette décision soit ou non définitive;
[…]»
5 L’annexe A du règlement, relative aux procédures d’insolvabilité visées à l’article 2, sous a), de celui-ci, mentionne, sous Irlande, la procédure de liquidation forcée («compulsory winding up by the Court»). L’annexe C du même règlement indique, au titre des syndics visés audit article 2, sous b), le «provisional liquidator» en ce qui concerne cet État membre.
6 S’agissant de la détermination de la juridiction compétente, l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement prévoit:
«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.
2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.»
«Toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité prise par une juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3 est reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit ses effets dans l’État d’ouverture.»
«La décision d’ouverture d’une procédure visée à l’article 3, paragraphe 1, produit, sans aucune autre formalité, dans tout autre État membre les effets que lui attribue la loi de l’État d’ouverture […]»
12 L’article 38 du règlement prévoit que le syndic provisoire désigné par la juridiction d’un État membre compétente en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du même règlement «est habilité à demander toute mesure de conservation ou de protection sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre prévue par la loi de cet État, pour la période séparant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité de la décision d’ouverture».
13 L’article 212 de la loi de 1963 sur les sociétés (Companies Act 1963, ci‑après la «Companies Act») confère compétence à la High Court pour procéder à la liquidation de toute société.
14 L’article 215 de la Companies Act dispose que la liquidation d’une société débute par la présentation au tribunal, par la société ou par un ou plusieurs créanciers de celle-ci, d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation de cette société.
15 L’article 220 de la Companies Act prévoit:
«1) Si, avant la présentation d’une demande visant à obtenir la liquidation d’une société par le tribunal, la société a adopté une résolution aux fins de liquidation volontaire, la liquidation de la société est réputée avoir débuté à la date d’adoption de la résolution et, à moins que le tribunal ne juge opportun, sur preuve de la fraude ou de l’erreur, de procéder autrement, toutes les procédures menées dans le cadre de la liquidation volontaire sont réputées avoir été valablement menées.
2) En toute autre hypothèse, la liquidation d’une société par le tribunal est réputée débuter à la date de présentation de la demande de liquidation.»
16 L’article 226, paragraphe 1, de la Companies Act dispose que le tribunal peut désigner un syndic à titre provisoire, à tout moment après la présentation d’une demande de liquidation. Sinon, la désignation du syndic, prévue par l'article 225 de la même loi, intervient à la délivrance de l’ordonnance de liquidation. Une fois désigné, un «provisional liquidator» est obligé, selon l’article 229, paragraphe 1, de celle-ci, de «prendre en dépôt ou de placer sous son contrôle tous les biens tant corporels qu’incorporels en cause auxquels l’entreprise a droit ou semble avoir droit».
17 Eurofood a été immatriculée en Irlande en 1997 en tant que «company limited by shares» (société en commandite par actions) ayant son siège statutaire à l’International Financial Services Center à Dublin. C’est une filiale à 100 % de Parmalat SpA, société de droit italien. Son objet principal était d’offrir des facilités de financement aux sociétés du groupe Parmalat.
18 Le 24 décembre 2003, en application du décret-loi n° 347, du 23 décembre 2003, relatif aux mesures urgentes en vue de la restructuration industrielle des grandes entreprises en état d’insolvabilité (GURI n° 298, du 24 décembre 2003, p. 4), le ministre des Activités de production italien a admis Parmalat SpA à la procédure d’administration extraordinaire et désigné M. Bondi en qualité d’administrateur extraordinaire de cette société.
19 Le 27 janvier 2004, la Bank of America NA a demandé à la High Court (Irlande) l’ouverture d’une procédure de liquidation forcée («compulsory winding up by the Court») à l’encontre d’Eurofood ainsi que la nomination d’un syndic provisoire. Cette demande était fondée sur l’allégation selon laquelle cette dernière société était insolvable.
20 Le même jour, la High Court, sur la base de cette demande, a désigné M. Farrell en qualité de syndic provisoire («provisional liquidator»), en lui conférant les pouvoirs de confisquer tous les actifs de cette société, de gérer les affaires de celle-ci, d’ouvrir un compte bancaire au nom de ladite société et de s’assurer les services d’un conseil.
21 Le 9 février 2004, le ministre des Activités de production italien a admis Eurofood à la procédure d’administration extraordinaire et a nommé M. Bondi en tant qu’administrateur extraordinaire.
22 Le 10 février 2004, a été déposée devant le Tribunale civile e penale di Parma (Italie) une demande tendant à faire constater l’insolvabilité d’Eurofood. L’audience a été fixée au 17 février 2004, date dont M. Farrell a été informé le 13 février. Le 20 février 2004, ladite juridiction, considérant que le centre des intérêts principaux d’Eurofood se trouvait en Italie, s’est estimé internationalement compétente pour constater l’état d’insolvabilité de cette société.
24 M. Bondi ayant interjeté appel dudit jugement, la Supreme Court a estimé nécessaire, avant de se prononcer sur le litige dont elle est saisie, de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) Lorsqu’une juridiction compétente en Irlande est saisie d’une demande tendant à faire prononcer la liquidation (‘winding up’) d’une entreprise insolvable et que, en attendant de prendre une ordonnance de liquidation, cette juridiction rend une ordonnance portant nomination d’un syndic à titre provisoire (‘provisional liquidator’) doté des pouvoirs de confisquer les actifs de l’entreprise, de gérer ses affaires, d’ouvrir un compte bancaire et de désigner un conseil, tout cela ayant, en droit, pour effet de priver les administrateurs de l’entreprise du pouvoir d’agir, cette ordonnance, combinée avec la présentation de la demande, constitue-t-elle une décision ouvrant une procédure d’insolvabilité (‘insolvency proceedings’) aux fins de l’article 16 du règlement […], interprété à la lumière de ses articles 1er et 2?
4) Lorsque
a) les sièges statutaires respectifs d’une société mère et de sa filiale sont situés dans deux États membres différents,
b) que la filiale gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers et dans le respect total et permanent de sa propre identité sociale dans l’État membre où est situé son siège statutaire et
c) que, en raison de sa participation et de son pouvoir de nommer les administrateurs, la société mère est en mesure de contrôler et contrôle effectivement la politique de la filiale,
lors de la détermination du ‘centre des intérêts principaux’, les facteurs déterminants sont-ils ceux mentionnés au point b) ci‑dessus ou, au contraire, ceux mentionnés au point c) ci-dessus?
27 La juridiction de renvoi s’interroge sur la pondération à opérer entre, d’une part, le fait que la filiale gère habituellement ses intérêts, de manière vérifiable par les tiers et dans le respect de son identité propre en tant que société, dans l’État membre où se trouve son siège statutaire et, d’autre part, le fait que la société mère est en mesure, en raison de sa participation dans le capital et de son pouvoir de nommer les dirigeants de la filiale, de contrôler la politique de cette dernière.
28 L’article 3 du règlement prévoit deux types de procédures. La procédure d’insolvabilité ouverte, conformément au paragraphe 1 de cet article, par la juridiction compétente de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, qualifiée de «procédure principale», produit des effets universels, en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable. Si, ultérieurement, une procédure peut, conformément au paragraphe 2 dudit article, être ouverte par la juridiction compétente de l’État membre où le débiteur possède un établissement, cette procédure, qualifiée de «procédure secondaire», produit des effets qui sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État.
34 Il s’ensuit que, pour la détermination du centre des intérêts principaux d’une société débitrice, la présomption simple prévue par le législateur communautaire au bénéfice du siège statutaire de cette société ne peut être écartée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter.
35 Tel pourrait être notamment le cas d’une société «boîte aux lettres» qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social.
37 Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la quatrième question que, lorsqu’un débiteur est une filiale dont le siège statutaire et celui de sa société mère sont situés dans deux États membres différents, la présomption énoncée à l’article 3, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement, selon laquelle le centre des intérêts principaux de cette filiale est situé dans l’État membre où se trouve son siège statutaire, ne peut être réfutée que si des éléments objectifs et vérifiables par les tiers permettent d’établir l’existence d’une situation réelle différente de celle que la localisation audit siège statutaire est censée refléter. Tel pourrait être notamment le cas d’une société qui n’exercerait aucune activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social. En revanche, lorsqu’une société exerce son activité sur le territoire de l’État membre où est situé son siège social, le fait que ses choix économiques soient ou puissent être contrôlés par une société mère établie dans un autre État membre ne suffit pas pour écarter la présomption prévue par le règlement.
38 Par sa troisième question, qu’il convient d’examiner en deuxième lieu en tant qu’elle concerne, de manière générale, le système de reconnaissance mis en place par le règlement, la juridiction de renvoi demande en substance si, en vertu des articles 3 et 16 du règlement, une juridiction d’un État membre, autre que celui dans lequel est situé le siège statutaire de l’entreprise et autre que celui où cette dernière gère habituellement ses intérêts d’une manière vérifiable par les tiers, mais dans lequel la procédure d’insolvabilité a été ouverte en premier lieu, doit être considérée comme compétente pour ouvrir la procédure d’insolvabilité principale. La juridiction de renvoi demande ainsi en substance si la compétence assumée par une juridiction d’un État membre pour ouvrir une procédure d’insolvabilité principale peut être contrôlée par une juridiction d’un autre État membre dans lequel la reconnaissance est demandée.
40 C’est cette confiance mutuelle qui a permis la mise en place d’un système obligatoire de compétences, que toutes les juridictions entrant dans le champ d’application du règlement sont tenues de respecter, et la renonciation corrélative par les États membres à leurs règles internes de reconnaissance et d’exequatur au profit d’un mécanisme simplifié de reconnaissance et d’exécution des décisions rendues dans le cadre de procédures d’insolvabilité [voir par analogie, à propos de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32, ci-après la «convention de Bruxelles»), arrêts du 9 décembre 2003, Gasser, C‑116/02, Rec. p. I‑14693, point 72, et du 27 avril 2004, Turner, C-159/02, Rec. p. I‑3565, point 24].
43 Si une partie intéressée, considérant que le centre des intérêts principaux du débiteur se situe dans un État membre autre que celui dans lequel a été ouverte la procédure d’insolvabilité principale, entend contester la compétence assumée par la juridiction qui a ouvert cette procédure, il lui appartient d’utiliser, devant les juridictions de l’État membre où celle-ci a été ouverte, les recours prévus par le droit national de cet État membre à l’encontre de la décision d’ouverture.
46 Il ressort du libellé de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement que les procédures d’insolvabilité auxquelles celui-ci s’applique doivent répondre à quatre caractéristiques. Il doit s’agir d’une procédure collective, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, qui entraîne un dessaisissement à tout le moins partiel de ce dernier et provoque la désignation d’un syndic.
49 En exigeant que toute décision ouvrant une procédure d’insolvabilité principale prise par une juridiction d’un État membre compétente à cet effet soit reconnue dans tous les autres États membres, dès qu’elle produit des effets dans l’État où elle a été rendue, l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement fixe une règle de priorité, fondée sur un critère chronologique, au bénéfice de la décision d’ouverture qui a été rendue en premier lieu. Ainsi que l’explique le vingt‑deuxième considérant dudit règlement, «[l]a décision de la juridiction qui ouvre la première la procédure devrait être reconnue dans tous les autres États membres, sans que ceux-ci aient la faculté de soumettre la décision de cette juridiction à un contrôle».
51 À cet égard, il convient de rappeler que les conditions et formalités requises pour l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité relèvent du droit national et varient considérablement d’un État membre à l’autre. Dans certains États membres, la procédure est ouverte très peu de temps après le dépôt de la demande, les vérifications nécessaires étant effectuées ultérieurement. Dans d’autres États membres, certaines constatations essentielles, pouvant nécessiter un temps assez long, doivent être opérées avant l’ouverture de la procédure. Dans certains droits nationaux, la procédure peut être ouverte «à titre provisoire» pendant plusieurs mois.
52 Ainsi que le fait valoir la Commission des Communautés européennes, il importe, aux fins d’assurer l’efficacité du système instauré par le règlement, que le principe de reconnaissance prévu à l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, de celui-ci puisse s’appliquer le plus tôt possible au cours de la procédure. Le mécanisme prévoyant que ne peut être ouverte qu’une seule procédure principale, produisant ses effets dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable, pourrait être gravement perturbé si les juridictions de ces derniers, saisies concomitamment de demandes fondées sur l’insolvabilité d’un débiteur, pouvaient revendiquer pendant une période prolongée une compétence concurrente.
54 Dans ces conditions, doit être considérée comme une «décision ouvrant une procédure d’insolvabilité» au sens du règlementnon seulement une décision formellement qualifiée de décision d’ouverture par la réglementation de l’État membre dont relève la juridiction qui l’a rendue, mais encore la décision rendue à la suite d’une demande, fondée sur l’insolvabilité du débiteur, tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Un tel dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine. Dans un tel cas, en effet, les deux conséquences caractéristiques d’une procédure d’insolvabilité, à savoir la nomination d’un syndic visé à l’annexe C et le dessaisissement du débiteur, ont pris effet et, ainsi, tous les éléments constitutifs de la définition d’une telle procédure donnée à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement sont réunis.
56 Tant M. Bondi que le gouvernement italien reconnaissent que, dans l’affaire au principal, le «provisional liquidator» nommé par la High Court, par décision du 27 janvier 2004, figure parmi les syndics mentionnés dans l’annexe C du règlement en ce qui concerne l’Irlande. Ils relèvent toutefois qu’il s’agit d’un syndic provisoire et que le règlement contient une disposition spécifique applicable dans ce cas. En effet, ainsi qu’ils le rappellent, l’article 38 dudit règlement habilite le syndic provisoire, défini au seizième considérant de ce règlement comme étant le syndic «désigné avant l’ouverture de la procédure principale», à demander des mesures conservatoires sur les biens du débiteur qui se trouvent dans un autre État membre pour la période séparant la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité de la décision d’ouverture. M. Bondi et le gouvernement italien en déduisent que la nomination d’un syndic provisoire ne peut pas ouvrir la procédure d’insolvabilité principale.
57 À cet égard, il convient de relever que l’article 38 du règlement doit être lu en combinaison avec l’article 29 de celui-ci, selon lequel le syndic de la procédure d’insolvabilité principale a le droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire dans un autre État membre. Ledit article 38 vise ainsi la situation dans laquelle la juridiction compétente d’un État membre a été saisie d’une procédure d’insolvabilité principale, alors que cette juridiction, tout en désignant une personne ou un organe en vue de veiller à titre provisoire sur les biens du débiteur, n’a pas encore ordonné le dessaisissement de ce dernier ou nommé un syndic visé à l’annexe C du règlement. Dans ce cas, la personne ou l’organe en cause, quoique n’étant pas habilité à engager une procédure d’insolvabilité secondaire dans un autre État membre, peut demander que des mesures conservatoires soient prises sur les biens du débiteur situés dans cet État membre. Tel n’est toutefois pas le cas dans l’affaire au principal, dans laquelle la High Court a désigné un «provisional liquidator» visé à l’annexe C du règlement et ordonné le dessaisissement du débiteur.
58 Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 16, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au sens de cette disposition la décision rendue par une juridiction d’un État membre saisie d’une demande à cet effet, fondée sur l’insolvabilité du débiteur et tendant à l’ouverture d’une procédure visée à l’annexe A du même règlement, lorsque cette décision entraîne le dessaisissement du débiteur et porte nomination d’un syndic visé à l’annexe C dudit règlement. Ce dessaisissement implique que le débiteur perde les pouvoirs de gestion qu’il détient sur son patrimoine.
59 Au vu de la réponse donnée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre à la deuxième question.
61 Si le vingt-deuxième considérant du règlement déduit du principe de la confiance mutuelle que «les motifs de non-reconnaissance devraient être réduits au minimum nécessaire», l’article 26 de celui-ci prévoit qu’un État membre peut refuser de reconnaître une procédure d’insolvabilité ouverte dans un autre État membre lorsque cette reconnaissance produirait des effets manifestement contraires à son ordre public, en particulier à ses principes fondamentaux ou aux droits et aux libertés individuelles garantis par sa Constitution.
62 Dans le contexte de la convention de Bruxelles, la Cour a jugé que le recours à la clause de l’ordre public, figurant à l’article 27, point 1, de cette convention, en ce qu’il constitue un obstacle à la réalisation de l’un des objectifs fondamentaux de celle-ci, à savoir faciliter la libre circulation des jugements, ne doit jouer que dans des cas exceptionnels (arrêt du 28 mars 2000, Krombach, C-7/98, Rec. p. I‑1935, points 19 et 21).
65 En ce qui concerne le domaine de la procédure, il convient de rappeler que la Cour a reconnu expressément le principe général de droit communautaire selon lequel toute personne a droit à un procès équitable (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I-8417, points 20 et 21; du 11 janvier 2000, Pays‑Bas et Van der Wal/Commission, C-174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 17, ainsi que Krombach, précité, point 26). Ce principe s’inspire des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit communautaire dont la Cour assure le respect en s’inspirant des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des indications fournies notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.
66 S’agissant plus précisément du droit à obtenir communication des pièces de procédure et, plus généralement, du droit à être entendu auxquels fait référence la cinquième question posée par la juridiction de renvoi, il convient de relever qu’ils occupent une place éminente dans l’organisation et le déroulement d’un procès équitable. Dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, le droit pour les créanciers ou leurs représentants de participer à la procédure dans le respect du principe de l’égalité des armes revêt une importance particulière. Si les modalités concrètes du droit à être entendu peuvent varier en fonction de l’urgence qu’il peut y avoir à statuer, toute restriction à l’exercice de ce droit doit être dûment justifiée et entourée de garanties procédurales assurant aux personnes concernées par une telle procédure une possibilité effective de contester les mesures adoptées dans l’urgence.
68 Le cas échéant, il appartient à la juridiction de renvoi d’établir si, dans l’affaire au principal, tel a été le cas lors du déroulement de la procédure devant le Tribunale civile e penale di Parma. À cet égard, il convient d’observer que ladite juridiction ne saurait se limiter à transposer sa propre conception de l’oralité des débats et du caractère fondamental que celle‑ci revêt dans son ordre juridique, mais doit apprécier, au vu de l’ensemble des circonstances, si le «provisional liquidator» nommé par la High Court a bénéficié ou non d’une possibilité suffisante d’être entendu.
69 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:
Signatures
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