Sommaire
1. L’article 25, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les termes «pour autant que cette convention soit applicable» impliquent que, avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution prévues par le règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, il est nécessaire de vérifier si ces décisions ne se trouvent pas placées hors du champ d’application matériel du règlement nº 44/2001.
Une telle vérification s'avère nécessaire dès lors qu'il n’est pas exclu que, parmi les décisions visées à l’article 25, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000 qui n'entrent pas dans le champ d’application de celui-ci, figurent également des décisions qui n’entrent pas non plus dans le champ d'application du règlement nº 44/2001. À cet égard, il découle du libellé de l’article 25, paragraphe 2, que l’application du règlement nº 44/2001 à une décision, au sens de cette disposition, est soumise à la condition que cette décision tombe dans le champ d’application de ce dernier règlement. Il s’ensuit que, si la décision concernée ne porte pas sur des matières civiles ou commerciales, ou si une exclusion du champ d’application du règlement nº 44/2001, prévue à l’article 1er de ce règlement, est applicable, ledit règlement ne peut être appliqué.
(cf. points 17-18, 20, disp. 1)
2. L’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée, compte tenu des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce dernier règlement, en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une action d’un vendeur exercée au titre d’une clause de réserve de propriété contre un acheteur en situation de faillite lorsque le bien faisant l’objet de cette clause se trouve dans l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au moment de l’ouverture de cette procédure à l’encontre dudit acheteur.
En effet, l’intensité du lien existant entre une telle action juridictionnelle et la procédure d’insolvabilité est déterminante pour décider si l’exception en question trouve à s’appliquer. Or, dès lors qu'elle vise seulement à garantir l'application de la clause de réserve de propriété, ce lien n’apparaît ni suffisamment direct ni suffisamment étroit pour que l’application du règlement nº 44/2001 soit exclue. Partant, une telle action constitue une action autonome, ne trouvant pas son fondement dans le droit des procédures d’insolvabilité et ne requérant ni l’ouverture d’une telle procédure ni l’intervention d’un syndic. Le seul fait que le syndic soit partie au litige n’apparaît pas suffisant pour qualifier cette procédure de procédure dérivant directement de la faillite et s’insérant étroitement dans le cadre d'une procédure de liquidation de biens.
(cf. points 29-33, 38, disp. 2)
Publication reference
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Publication reference: Recueil de jurisprudence 2009 I-08421
Document number
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ECLI identifier: ECLI:EU:C:2009:544
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Celex-Nr.: 62008CJ0292
Authentic language
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Authentic language: néerlandais
Dates
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Date of document: 10/09/2009
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Date lodged: 02/07/2008
Classifications
Miscellaneous information
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Author: Cour de justice
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Country or organisation from which the decision originates: Pays-Bas
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Form: Arrêt
Procedure
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Type of procedure: Recours préjudiciel
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Judge-Rapportuer: Jann
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Advocate General: Mengozzi
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Observations: Italie, Commission européenne, EUINST, Pays-Bas, EUMS, Royaume-Uni, Espagne
-
National court:
- *A9* Hoge Raad der Nederlanden, civile kamer, arrest van 20/06/2008 (R07/124 HR)
- - Nederlands internationaal privaatrecht 2008 nº 195
- - Nederlands juristenblad 2008 p.1807 (résumé)
- - Nederlandse jurisprudentie ; Uitspraken in burgerlijke en strafzaken 2008 nº 354
- - The European Legal Forum 2008 p.II134-II139
- - The European Legal Forum 2008 p.281 (résumé) (EN) (Texte anglais)
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Relationship between documents
- Treaty: Traité instituant la Communauté économique européenne (1957)
-
Case affecting:
Affects Legal instrument Provision Interprète 32000R1346 A25P1 Interprète 32000R1346 A07P1 Interprète 32000R1346 A25P2 Interprète 32000R1346 A04P2LB Interprète 32001R0044 A01P2LB -
Instruments cited:
Legal instrument Provision Paragraph in document 41968A0927(01) A01L2PT2 N 28 41968A0927(01) N 26 - 28 61978CJ0133 N 26 29 32000R1346 A07P1 N 1 5 13 35 36 38 32000R1346 A04P1 N 4 32000R1346 A25 N 15 32000R1346 A03P1 N 3 32000R1346 A25P1L1 N 16 32000R1346 A04P2LB N 1 4 13 37 38 32000R1346 A25P2 N 1 6 13 14 16 17 20 32000R1346 N 17 19 32000R1346 C6 N 24 32000R1346 A25P1 N 6 13 14 20 32001R0044 N 14 17 19 - 22 27 28 30 34 37 32001R0044 A01P2LB N 13 28 29 38 32001R0044 A01 N 18 32001R0044 C15 N 22 32001R0044 A01P1 N 7 23 32001R0044 A01P2 N 8 62007CJ0339 N 26 62008CJ0167 N 27
Affaire C-292/08
German Graphics Graphische Maschinen GmbH
contre
Alice van der Schee, agissant en qualité de syndic de la faillite de Holland Binding BV
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hoge Raad der Nederlanden)
«Insolvabilité — Application de la loi de l'État membre d'ouverture de la procédure — Réserve de propriété — Situation du bien»
Sommaire de l'arrêt
1. Coopération judiciaire en matière civile — Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale — Règlement nº 44/2001 — Reconnaissance et exécution des décisions — Décisions au sens de l'article 25, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 1346/2000
(Règlements du Conseil nº 1346/2000, art. 25, § 1 et 2, et nº 44/2001)
2. Coopération judiciaire en matière civile — Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale — Règlement nº 44/2001 — Champ d'application — Matières exclues — Faillites, concordats et autres procédures analogues — Portée
(Règlements du Conseil nº 1346/2000, art. 4, § 2, b), et 7, § 1, et nº 44/2001, art. 1er, § 2, b))
1. L’article 25, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que les termes «pour autant que cette convention soit applicable» impliquent que, avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution prévues par le règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, il est nécessaire de vérifier si ces décisions ne se trouvent pas placées hors du champ d’application matériel du règlement nº 44/2001.
Une telle vérification s'avère nécessaire dès lors qu'il n’est pas exclu que, parmi les décisions visées à l’article 25, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000 qui n'entrent pas dans le champ d’application de celui-ci, figurent également des décisions qui n’entrent pas non plus dans le champ d'application du règlement nº 44/2001. À cet égard, il découle du libellé de l’article 25, paragraphe 2, que l’application du règlement nº 44/2001 à une décision, au sens de cette disposition, est soumise à la condition que cette décision tombe dans le champ d’application de ce dernier règlement. Il s’ensuit que, si la décision concernée ne porte pas sur des matières civiles ou commerciales, ou si une exclusion du champ d’application du règlement nº 44/2001, prévue à l’article 1er de ce règlement, est applicable, ledit règlement ne peut être appliqué.
(cf. points 17-18, 20, disp. 1)
2. L’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprétée, compte tenu des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce dernier règlement, en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une action d’un vendeur exercée au titre d’une clause de réserve de propriété contre un acheteur en situation de faillite lorsque le bien faisant l’objet de cette clause se trouve dans l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au moment de l’ouverture de cette procédure à l’encontre dudit acheteur.
En effet, l’intensité du lien existant entre une telle action juridictionnelle et la procédure d’insolvabilité est déterminante pour décider si l’exception en question trouve à s’appliquer. Or, dès lors qu'elle vise seulement à garantir l'application de la clause de réserve de propriété, ce lien n’apparaît ni suffisamment direct ni suffisamment étroit pour que l’application du règlement nº 44/2001 soit exclue. Partant, une telle action constitue une action autonome, ne trouvant pas son fondement dans le droit des procédures d’insolvabilité et ne requérant ni l’ouverture d’une telle procédure ni l’intervention d’un syndic. Le seul fait que le syndic soit partie au litige n’apparaît pas suffisant pour qualifier cette procédure de procédure dérivant directement de la faillite et s’insérant étroitement dans le cadre d'une procédure de liquidation de biens.
(cf. points 29-33, 38, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
«Insolvabilité – Application de la loi de l’État membre d’ouverture de la procédure – Réserve de propriété – Situation du bien»
Dans l’affaire C‑292/08,
contre
LA COUR (première chambre),
composée de M. P. Jann (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič, A. Tizzano, A. Borg Barthet et E. Levits, juges,
avocat général: M. P. Mengozzi,
greffier: M. R. Grass,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées:
– pour le gouvernement espagnol, par M. J. López-Medel Bascones, en qualité d’agent,
– pour le gouvernement italien, par Mme I. Bruni, en qualité d’agent, assistée de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 4, paragraphe 2, sous b), 7, paragraphe 1, et 25, paragraphe 2, du règlement (CE) nº 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1), et de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1).
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant German Graphics Graphische Maschinen GmbH (ci-après «German Graphics») à Mme van der Schee, agissant en qualité de syndic de la faillite de Holland Binding BV (ci-après «Holland Binding»), au sujet de l’exécution d’une ordonnance rendue par une juridiction allemande.
«Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. Pour les sociétés et les personnes morales, le centre des intérêts principaux est présumé, jusqu’à preuve contraire, être le lieu du siège statutaire.»
L’article 4, paragraphes 1 et 2, sous b), de ce règlement énonce:
«1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé ‘État d’ouverture’.
2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment:
[…]
b) les biens qui font l’objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité».
L’article 7, paragraphe 1, dudit règlement dispose:
«L’ouverture d’une procédure d’insolvabilité contre l’acheteur d’un bien n’affecte pas les droits du vendeur fondés sur une réserve de propriété, lorsque ce bien se trouve, au moment de l’ouverture de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre que l’État d’ouverture.»
L’article 25, paragraphes 1 et 2, du même règlement prévoit:
«1. Les décisions relatives au déroulement et à la clôture d’une procédure d’insolvabilité rendues par une juridiction dont la décision d’ouverture est reconnue conformément à l’article 16 ainsi qu’un concordat approuvé par une telle juridiction sont reconnus également sans aucune autre formalité. Ces décisions sont exécutées conformément aux articles 31 à 51 (à l’exception de l’article 34, paragraphe 2) de la convention [du 27 septembre 1968] concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale [(JO 1972, L 299, p. 32)], modifiée par les conventions relatives à l’adhésion à cette convention [(ci-après la ‘convention de Bruxelles’)].
Le premier alinéa s’applique également aux décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement, même si elles sont rendues par une autre juridiction.
Le premier alinéa s’applique également aux décisions relatives aux mesures conservatoires prises après la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.
2. La reconnaissance et l’exécution des décisions autres que celles visées au paragraphe 1 sont régies par la convention visée au paragraphe 1, pour autant que cette convention soit applicable.»
L’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001 définit le champ d’application de ce dernier. Ledit règlement s’étend à toutes les matières civiles et commerciales et ne recouvre pas les matières fiscales, douanières ou administratives.
L’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 prévoit:
«Sont exclus de [l’]application [de ce règlement]:
[…]
b) les faillites, concordats et autres procédures analogues;
[…]».
German Graphics, société de droit allemand, a conclu, en qualité de venderesse, un contrat de vente de machines avec Holland Binding, société de droit néerlandais, comportant une clause de réserve de propriété en sa faveur.
Par jugement du 1er novembre 2006, le Rechtbank Utrecht (Pays-Bas) a déclaré Holland Binding en état d’insolvabilité et a désigné un syndic.
Par ordonnance du 5 décembre 2006, le Landgericht Braunschweig (Allemagne) a accueilli la demande présentée par German Graphics en vue de l’adoption de mesures conservatoires en ce qui concerne un certain nombre de machines se trouvant dans les locaux de Holland Binding, aux Pays-Bas. Cette demande était fondée sur ladite clause de réserve de propriété.
Le 18 décembre 2006, le voorzieningenrechter te Utrecht (juge des référés d’Utrecht) a déclaré exécutoire l’ordonnance du Landgericht Braunschweig. Par la suite, Mme van der Schee, agissant en qualité de syndic de la faillite de Holland Binding, a interjeté appel de cette décision devant le Rechtbank Utrecht, qui, par décision du 28 mars 2007, a réformé ladite ordonnance. German Graphics a formé un pourvoi en cassation contre la décision du Rechtbank Utrecht devant le Hoge Raad der Nederlanden.
Par ordonnance du 20 juin 2008, le Hoge Raad der Nederlanden a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
«1) L’article 25, paragraphe 2, du règlement [n° 1346/2000] doit-il être interprété en ce sens que les termes ‘pour autant que cette convention [à savoir le règlement n° 44/2001] soit applicable’ impliquent qu’avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution du règlement n° 44/2001 aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement [n° 1346/2000], il y a lieu, en premier lieu, de vérifier si, au titre de l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 44/2001, elles ne tombent pas hors du champ d’application matériel de ce règlement?
2) L’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 44/2001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement [n° 1346/2000], doit-il être interprété en ce sens que le fait qu’un bien soumis à une clause de réserve de propriété se trouve dans l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au moment de l’ouverture de ladite procédure contre l’acheteur a pour conséquence que l’action du vendeur au titre de cette clause de réserve de propriété, comme en l’espèce l’action de German Graphics, doit être considérée comme une action relative à l’état d’insolvabilité visée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 44/2001, qui, partant, ne relève pas du champ d’application dudit règlement?
Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si, avant de pouvoir conclure à la reconnaissance d’une décision au sens de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000 sur la base des dispositions du règlement n° 44/2001, il incombe au juge chargé de l’exécution de vérifier si ladite décision entre dans le champ d’application de ce dernier règlement.
La reconnaissance des décisions relatives aux procédures d’insolvabilité est régie par les articles 16 à 26 du règlement n° 1346/2000. Dans ce contexte, l’article 25 de ce règlement, notamment, a pour objet la reconnaissance et le caractère exécutoire des décisions autres que celles concernant directement l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.
Ledit article 25 vise, d’une part, à son paragraphe 1, premier alinéa, «les décisions relatives au déroulement et à la clôture» d’une telle procédure, et, d’autre part, à son paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, celles «qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et s’y insèrent étroitement» ainsi que les décisions relatives à certaines mesures conservatoires, et, à son paragraphe 2, les «décisions autres que celles visées au paragraphe 1 [...], pour autant que cette convention [à savoir la convention de Bruxelles] soit applicable».
Par conséquent, les décisions visées à l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 1346/2000 ne sont pas des décisions entrant dans le champ d’application de ce règlement. En outre, il n’est pas exclu que, parmi celles-ci, figurent des décisions qui n’entrent ni dans le champ d’application du règlement nº 1346/2000 ni dans celui du règlement n° 44/2001. À cet égard, il découle du libellé de l’article 25, paragraphe 2, que l’application du règlement n° 44/2001 à une décision, au sens de cette disposition, est soumise à la condition que cette décision entre dans le champ d’application de ce dernier règlement.
Il s’ensuit que, si la décision concernée ne porte pas sur des matières civiles ou commerciales, ou si une exclusion du champ d’application du règlement n° 44/2001, prévue à l’article 1er de ce règlement, est applicable, ledit règlement ne peut être appliqué.
Par suite, le juge chargé de l’exécution doit, avant de conclure à la reconnaissance d’une décision qui n’entre pas dans le champ d’application du règlement n° 1346/2000, selon les dispositions du règlement n° 44/2001, vérifier si la décision en cause entre dans le champ d’application de ce dernier règlement.
Il résulte de ce qui précède qu’il convient de répondre à la première question que l’article 25, paragraphe 2, du règlement nº 1346/2000 doit être interprété en ce sens que les termes «pour autant que cette convention soit applicable» impliquent que, avant de pouvoir conclure à l’application des règles de reconnaissance et d’exécution prévues par le règlement n° 44/2001aux décisions autres que celles visées à l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, il est nécessaire de vérifier si ces décisions ne se trouvent pas placées hors du champ d’application matériel du règlement n° 44/2001.
Par ses deuxième et troisième questions qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si, en raison de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité à l’encontre d’un acheteur et dès lors que le bien faisant l’objet de la clause de réserve de propriété se trouve dans l’État membre d’ouverture de cette procédure, l’action exercée par le vendeur à l’encontre dudit acheteur et fondée sur cette clause est exclue du champ d’application du règlement n° 44/2001.
Afin de répondre à ces questions, il y a lieu de se référer aux considérants du règlement n° 44/2001. Selon le deuxième de ces considérants, certaines différences entre les règles nationales en matière de compétence judiciaire et de reconnaissance des décisions rendent plus difficile le bon fonctionnement du marché intérieur. D’après le septième considérant de ce règlement, il est important d’inclure dans le champ d’application matériel de ce dernier l’essentiel de la matière civile et commerciale. Le quinzième considérant dudit règlement souligne la nécessité, pour le fonctionnement harmonieux de la justice, d’éviter que des décisions inconciliables ne soient rendues dans deux États membres.
Ces considérants démontrent l’intention du législateur communautaire de retenir une conception large de la notion de «matière civile et commerciale» figurant à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 44/2001, et, par conséquent, un champ d’application large de ce dernier.
Une telle interprétation est également corroborée par la première phrase du sixième considérant du règlement n° 1346/2000, selon laquelle ce dernier devrait, conformément au principe de proportionnalité, se limiter à des dispositions qui règlent la compétence pour l’ouverture de procédures d’insolvabilité et la prise des décisions qui dérivent directement de la procédure d’insolvabilité et qui s’y insèrent étroitement.
Par conséquent, le champ d’application de ce dernier règlement ne devrait pas faire l’objet d’une interprétation large.
Cela étant précisé, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé, dans le cadre de sa jurisprudence relative à la convention de Bruxelles, qu’une action se rattache à une procédure de faillite dès lors qu’elle dérive directement de la faillite et s’insère étroitement dans le cadre d’une procédure de liquidation des biens ou de règlement judiciaire (voir arrêt du 22 février 1979, Gourdain, 133/78, Rec. p. 733, point 4). Une action présentant de telles caractéristiques n’entre pas, dès lors, dans le champ d’application de cette convention (voir arrêt du 12 février 2009, Seagon, C‑339/07, non encore publié au Recueil, point 19).
Dans la mesure où le règlement n° 44/2001 remplace désormais, dans les relations entre les États membres, la convention de Bruxelles, l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de cette dernière vaut également pour celles dudit règlement, lorsque les dispositions de ladite convention et celles du règlement n° 44/2001 peuvent être qualifiées d’équivalentes. Il résulte en outre du dix-neuvième considérant de ce règlement que la continuité dans l’interprétation entre la convention de Bruxelles et ledit règlement doit être assurée (arrêt du 23 avril 2009, Draka NK Cables e.a., C‑167/08, non encore publié au Recueil, point 20).
Or, dans le système établi par le règlement nº 44/2001, l’article 1er, paragraphe 2, sous b), de ce règlement occupe la même place et remplit la même fonction que l’article 1er, second alinéa, point 2, de la convention de Bruxelles. Au surplus, ces deux dispositions sont rédigées en des termes identiques (arrêt du 2 juillet 2009, SCT Industri, C‑111/08, non encore publié au Recueil, point 23).
Au regard de ce qui précède, c’est donc l’intensité du lien, au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt Gourdain, précité, existant entre une action juridictionnelle telle que celle en cause au principal et la procédure d’insolvabilité qui est déterminante aux fins de décider si l’exclusion énoncée à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 44/2001 trouve à s’appliquer.
Or, il convient de constater que, dans une situation telle que celle en cause au principal, ce lien n’apparaît ni suffisamment direct ni suffisamment étroit pour que l’application du règlement n° 44/2001 soit exclue.
En effet, il ressort de la décision de renvoi que German Graphics, partie requérante dans la procédure engagée devant le Landgericht Braunschweig, a demandé la restitution des biens dont elle est propriétaire et que cette juridiction devait seulement clarifier la question de la propriété de certaines machines se trouvant dans les locaux de Holland Binding, aux Pays-Bas. La réponse à cette question de droit est indépendante de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. L’action engagée par German Graphics a seulement visé à garantir l’application de la clause de réserve de propriété conclue en faveur de cette dernière société.
En d’autres termes, l’action portant sur ladite clause de réserve de propriété constitue une action autonome, ne trouvant pas son fondement dans le droit des procédures d’insolvabilité et ne requérant ni l’ouverture d’une procédure de ce type ni l’intervention d’un syndic.
Dans ces conditions, le seul fait que le syndic soit partie au litige n’apparaît pas suffisant pour qualifier la procédure engagée devant le Landgericht Braunschweig de procédure dérivant directement de la faillite et s’insérant étroitement dans le cadre d’une procédure de liquidation de biens.
Il convient, dès lors, de constater qu’une action telle que celle que German Graphics a engagée devant le Landgericht Braunschweig ne se trouve pas placée hors du champ d’application du règlement n° 44/2001.
La juridiction de renvoi s’interroge toutefois sur le point de savoir si l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 1346/2000 est susceptible d’exercer une influence sur la qualification des actions ayant un lien avec une procédure d’insolvabilité. Or, cette disposition se limite à préciser que «l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité contre l’acheteur d’un bien n’affecte pas les droits du vendeur fondés sur une réserve de propriété, lorsque ce bien se trouve, au moment de l’ouverture de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre que l’État d’ouverture». En d’autres termes, ladite disposition ne constitue qu’une règle matérielle visant à protéger le vendeur en ce qui concerne des biens se trouvant en dehors de l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité.
En outre, dans l’affaire au principal, ledit article 7, paragraphe 1, n’est pas applicable dès lors que les biens de German Graphics se trouvaient, au moment de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité, aux Pays-Bas, c’est-à-dire sur le territoire de l’État membre d’ouverture de cette procédure.
En ce qui concerne l’incidence que pourrait avoir l’article 4, paragraphe 2, sous b), du règlement nº 1346/2000 sur la réponse donnée par la Cour en ce qui concerne la qualification de l’action en cause au principal, il convient de constater que cette disposition ne constitue qu’une règle destinée à prévenir les conflits de lois en prévoyant que la loi de l’État d’ouverture de la procédure d’insolvabilité est applicable aux fins de déterminer «les biens qui font l’objet du dessaisissement et le sort des biens acquis par le débiteur après l’ouverture de la procédure d’insolvabilité». Cette disposition n’a aucune incidence sur le champ d’application du règlement n° 44/2001.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions que l’exception prévue à l’article 1er, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 44/2001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 1346/2000, doit être interprétée, compte tenu des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, sous b), de ce dernier règlement, en ce sens qu’elle ne s’applique pas à une action d’un vendeur exercée au titre d’une clause de réserve de propriété contre un acheteur en situation de faillite lorsque le bien faisant l’objet de cette clause se trouve dans l’État membre d’ouverture de la procédure d’insolvabilité au moment de l’ouverture de cette procédure à l’encontre dudit acheteur.
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
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