Affaire C‑195/15
SCI Senior Home
contre
Gemeinde Wedemark et Hannoversche Volksbank eG
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof)
«Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d’insolvabilité — Règlement (CE) no 1346/2000 — Article 5 — Notion de “droits réels des tiers” — Charge publique grevant les biens immobiliers et garantissant la perception de la taxe foncière»
Sommaire – Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 26 octobre 2016
Coopération judiciaire en matière civile – Procédures d’insolvabilité – Règlement no 1346/2000 – Modèle d’universalité atténuée – Applicabilité de la loi de l’État d’ouverture de la procédure principale d’insolvabilité comportant des exceptions, dont celle de l’article 5 du règlement (Règlement du Conseil no 1346/2000, art. 5, § 1) Coopération judiciaire en matière civile – Procédures d’insolvabilité – Règlement no 1346/2000 – Droits réels des tiers – Notion – Sûreté grevant de plein droit l’immeuble du débiteur de taxes foncières d’une charge foncière de droit public – Propriétaire devant tolérer l’exécution forcée sur l’immeuble du titre constatant la créance fiscale – Inclusion (Règlement du Conseil no 1346/2000, art. 5)
Le règlement no 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, repose sur un modèle dit d’universalité atténuée, selon lequel, d’une part, la loi applicable à la procédure principale d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel cette procédure a été ouverte, alors que, d’autre part, ledit règlement prévoit plusieurs exceptions à cette règle. L’article 5, paragraphe 1, du même règlement prévoit l’une de ces exceptions. Cette disposition permet, en dérogeant à la règle de la loi de l’État membre d’ouverture, d’appliquer au droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur certains biens appartenant au débiteur la loi de l’État membre sur le territoire duquel se trouve le bien en question. (voir points 17, 18) L’article 5 du règlement no 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que constitue un droit réel, au sens de cet article, une sûreté constituée en vertu d’une disposition de droit national selon laquelle l’immeuble du débiteur de taxes foncières est grevé de plein droit d’une charge foncière de droit public et ce propriétaire doit tolérer l’exécution forcée du titre constatant la créance fiscale, sur cet immeuble. À cet égard, si l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1346/2000 ne définit pas la notion de droit réel, il précise néanmoins, au moyen d’une série d’exemples de droits qualifiés de réels par ce règlement, la portée et, partant, les limites de la protection accordée par cette disposition aux privilèges, aux garanties ou aux autres droits, prévus par le droit interne des États membres, des créanciers d’un débiteur insolvable. Un droit remplit les critères énumérés à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1346/2000, afin de ne pas priver de son effet utile la limitation du champ d’application de l’article 5 dudit règlement aux droits « réels », dans la mesure où, d’une part, il constitue une charge grevant directement et immédiatement un bien immobilier taxé et où, d’autre part, le propriétaire de l’immeuble doit en tolérer l’exécution forcée sur celui-ci. En outre, au cours d’une procédure d’insolvabilité, l’administration fiscale bénéficie, au titre de la charge foncière de la qualité de créancier privilégié. Par ailleurs, ni le libellé des dispositions du règlement no 1346/2000 ni les objectifs poursuivis par celui-ci ne permettent d’interpréter l’article 5 de ce règlement en ce sens qu’il ne couvrirait pas les droits réels accordés en dehors du cadre d’une transaction commerciale. En tout état de cause, une interprétation de l’article 5 du règlement no 1346/2000 en ce sens que l’exception qu’il prévoit ne couvrirait que les seuls droits réels constitués dans le cadre de transactions commerciales ou de crédit aboutirait à un traitement défavorable des titulaires de droits réels accordés dans le cadre de transactions autres que commerciales. (voir points 21, 23, 26, 30, 32 et disp.)
Document number
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ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:804
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Celex-Nr.: 62015CJ0195
Authentic language
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Authentic language: allemand
Dates
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Date of document: 26/10/2016
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Date lodged: 29/04/2015
Classifications
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Subject matter
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Directory of EU case law
Miscellaneous information
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Author: Cour de justice
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Country or organisation from which the decision originates: Allemagne
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Form: Arrêt
Procedure
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Type of procedure: Recours préjudiciel
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Judge-Rapportuer: Berger
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Advocate General: Szpunar
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Observations: Commission européenne, Espagne, EUINST, EUMS
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National court:
- *A9* Bundesgerichtshof, Beschluss vom 12/03/2015 (V ZB 41/14)
- - Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht 2015 p.519-520
- - NJW-Rechtsprechungs-Report Zivilrecht 2015 p.1080-1083
- - Wertpapier-Mitteilungen 2015 p.1768-1771
- - Zeitschrift für Wirtschaftsrecht 2015 p.1134-1137
- - Paulus, Christoph G.: EuGH-Vorlage zur Auslegung des Begriffs des dinglichen Rechts gem. Art. 5 Abs. 1 EuInsVO (hier: Grundsteuer als öffentliche Last), Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht 2015 p.519-520
- - Roderfeld, Werner: Vorlage an den EuGH – Grundsteuerlast als dingliches Recht i. S. d. EuInsVO?, Recht der internationalen Wirtschaft 2015 Heft 8 p.524-526
- *P1* Bundesgerichtshof, Beschluss vom 08/12/2016 (V ZB 41/14)
Legal doctrine
3. Strickler, Peter: Insolvenzrecht: Einordnung von Grundsteuerlasten als privilegiertes dingliches Recht im Rahmen des europäischen Insolvenzverfahrens, Europäische Zeitschrift für Wirtschaftsrecht 2016 p.946-947 (DE)
5. Mankowski, Peter: Öffentliche Lasten als dingliche Rechte im Sinne von Art.5 EulnsVO 2000 bzw. Art.8 EulnsVO 2015, Recht der internationalen Wirtschaft 2017 p.93-98 (DE)
4. Nourissat, Cyril: Droit réel et procédure d'insolvabilité : utiles précisions, Procédures 2017 nº 03 p.16-17 (FR)
2. Idot, Laurence: Notion de « droits réels », Europe 2016 Décembre nº 12 p.48 (FR)
1. Idot, Laurence: Une charge foncière de droit public grevant de plein droit l'immeuble d'un débiteur qui n'a pas acquitté les taxes foncières est un « droit réel » au sens de l'article 5 du règlement (CE) n° 1346/2000, Europe 2016 Décembre Comm. nº 12 p.48 (FR)
Relationship between documents
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Case affecting:
Affects Legal instrument Provision Interprète 32000R1346 A05 -
Instruments cited:
Legal instrument Provision Paragraph in document 32000R1346 C25 N 3 29 32000R1346 A05 N 1 5 16 22 24 26 - 30 32 32000R1346 N 31 32000R1346 A39 N 6 31 32000R1346 A05P2 N 21 23 32000R1346 A05P3 N 21 32000R1346 A04 N 4 24 28 32000R1346 A05P1 N 15 17 - 19 32000R1346 C24 N 3 28 29 62010CJ0527 N42 N 18 62010CJ0527 N41 N 18 62010CJ0527 N40 N 18 62011CJ0395 N33 N 25 62013CJ0557 N27 N 18 62014CJ0479 N36 N 20 62015CC0195 N 17 23 31
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
26 octobre 2016 (*1)
«Renvoi préjudiciel — Espace de liberté, de sécurité et de justice — Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d’insolvabilité — Règlement (CE) no 1346/2000 — Article 5 — Notion de “droits réels des tiers” — Charge publique grevant les biens immobiliers et garantissant la perception de la taxe foncière»
Dans l’affaire C‑195/15,
contre
LA COUR (cinquième chambre),
avocat général : M. M. Szpunar,
greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mars 2016,
considérant les observations présentées :
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pour le gouvernement espagnol, par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent, |
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pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent, |
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 mai 2016,
rend le présent
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1 |
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO 2000, L 160, p. 1). |
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2 |
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la SCI Senior Home, en redressement, représentée par Me Pierre Mulhaupt, agissant en qualité d’administrateur judiciaire, à la Gemeinde Wedemark (commune de Wedemark, Allemagne) et à Hannoversche Volksbank eG au sujet de la vente forcée d’un immeuble dont Senior Home est la propriétaire. |
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3 |
Les considérants 24 et 25 du règlement no 1346/2000 énoncent :
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L’article 4 du règlement n o 1346/2000, intitulé « Loi applicable », prévoit : « 1. Sauf disposition contraire du présent règlement, la loi applicable à la procédure d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, ci-après dénommé “État d’ouverture”. 2. La loi de l’État d’ouverture détermine les conditions d’ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d’insolvabilité. Elle détermine notamment : […]
[…]
[…] » |
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L’article 5 du règlement n o 1346/2000, intitulé « Droits réels des tiers », dispose : « 1. L’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur des biens corporels ou incorporels, meubles ou immeubles – à la fois des biens déterminés et des ensembles de biens indéterminés dont la composition est sujette à modification – appartenant au débiteur, et qui se trouvent, au moment de l’ouverture de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre. 2. Les droits visés au paragraphe 1 sont notamment :
3. Est assimilé à un droit réel, le droit, inscrit dans un registre public et opposable aux tiers, permettant d’obtenir un droit réel au sens du paragraphe 1. […] » |
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6 |
Aux termes de l’article 39 du règlement no 1346/2000, intitulé « Droit de produire les créances » : « Tout créancier qui a sa résidence habituelle, son domicile ou son siège dans un État membre autre que l’État d’ouverture, y compris les autorités fiscales et les organismes de sécurité sociale des États membres, ont le droit de produire leurs créances par écrit dans la procédure d’insolvabilité. » |
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7 |
L’article 12 du Grundsteuergesetz (loi sur la taxe foncière, ci-après le « GrStG »), intitulé « Sûreté réelle », est libellé comme suit : « La taxe foncière constitue une charge foncière de droit public grevant le bien imposé. » |
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8 |
L’article 77, paragraphe 2, première phrase, de l’Abgabenordnung (code des impôts, ci-après l’« AO ») prévoit : « Lorsqu’un impôt constitue une charge foncière de droit public grevant l’immeuble, le propriétaire doit tolérer l’exécution forcée sur celui‑ci. » |
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9 |
L’article 10, paragraphe 1, du Zwangsversteigerungsgesetz (loi sur la vente forcée) dispose : « Confèrent un droit au désintéressement du créancier sur le produit de l’immeuble, selon le rang suivant […] : […]
[…] » |
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10 |
Senior Home, société civile immobilière de droit français, est propriétaire d’un immeuble situé à Wedemark (Allemagne). Par décision du 6 mai 2013, elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de grande instance de Mulhouse (France). |
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11 |
Le 15 mai 2013, la commune de Wedemark a demandé qu’il soit procédé à la vente forcée de cet immeuble afin d’obtenir le recouvrement de taxes foncières impayées, pour la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 30 juin 2013, d’un montant de 7471,19 euros, en justifiant d’un titre de créance fiscale exécutoire. |
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12 |
Par décision du 21 mai 2013, l’Amtsgericht Burgwedel (tribunal de district de Burgwedel, Allemagne) a ordonné la vente forcée dudit immeuble. Le recours introduit contre cette décision par Senior Home n’a pas prospéré. Après avoir été déboutée de son appel devant le Landgericht Hannover (tribunal régional de Hanovre, Allemagne), Senior Home, représentée par Me Mulhaupt agissant en qualité d’administrateur judiciaire, a saisi le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) afin d’obtenir, d’une part, l’annulation de la décision de l’Amtsgericht Burgwedel (tribunal de district de Burgwedel) ordonnant la vente forcée et, d’autre part, la radiation du registre foncier de l’inscription y afférente. |
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13 |
La juridiction de renvoi rappelle que, conformément à l’article 4 du règlement no 1346/2000, la procédure d’insolvabilité ouverte contre Senior Home est soumise au droit français. Or, en vertu de ce droit, l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ferait, en substance, obstacle à la vente forcée en cause au principal. En revanche, aux termes de l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement, l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité n’affecterait pas les droits réels d’un créancier ou d’un tiers sur les biens appartenant au débiteur qui se trouvent sur le territoire d’un autre État membre. |
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14 |
La juridiction de renvoi fait observer que, en droit allemand, les créances exigibles au titre des taxes foncières constituent, conformément à l’article 12 du GrStG, des charges foncières de droit public qui sont des droits réels, le propriétaire de l’immeuble grevé devant tolérer l’exécution forcée du titre constatant ces créances sur cet immeuble, conformément à l’article 77, paragraphe 2, première phrase, de l’AO. Toutefois, cette juridiction se demande si la question de l’existence ou non d’un droit réel aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement doit être appréciée sur le fondement du droit allemand, ou s’il y a lieu, au contraire, d’interpréter de manière autonome la notion de « droit réel ». |
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Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante : « La notion de droit réel qui figure à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000 vise-t-elle une règle nationale telle que celle qui figure à l’article 12 du [GrStG], lu en combinaison avec l’article 77, paragraphe 2, première phrase, de l’[AO], qui prévoit que les créances de taxe foncière constituent de plein droit une charge foncière de droit public grevant l’immeuble et que le propriétaire doit par conséquent tolérer l’exécution forcée sur l’immeuble ? » |
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16 |
Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue un « droit réel », aux termes de cet article, une sûreté constituée en vertu d’une disposition de droit national, telle que celle en cause au principal, selon laquelle l’immeuble du débiteur de taxes foncières est grevé de plein droit d’une charge foncière de droit public et ce propriétaire doit tolérer l’exécution forcée, sur cet immeuble, du titre constatant la créance fiscale. |
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17 |
À cet égard, il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que ce règlement repose, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 21 à 23 de ses conclusions, sur un modèle dit d’« universalité atténuée », selon lequel, d’une part, la loi applicable à la procédure principale d’insolvabilité et à ses effets est celle de l’État membre sur le territoire duquel cette procédure a été ouverte, alors que, d’autre part, ledit règlement prévoit plusieurs exceptions à cette règle. L’article 5, paragraphe 1, du même règlement prévoit l’une de ces exceptions. |
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18 |
En ce qui concerne, plus précisément, l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1346/2000, qui énonce que l’ouverture de la procédure d’insolvabilité n’affecte pas le droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur des biens appartenant au débiteur et qui se trouvent, au moment de l’ouverture de la procédure, sur le territoire d’un autre État membre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la justification, la validité et la portée d’un tel droit réel doivent normalement se déterminer en vertu de la loi du lieu où se trouve le bien faisant l’objet dudit droit. Par conséquent, l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement permet, en dérogeant à la règle de la loi de l’État membre d’ouverture, d’appliquer au droit réel d’un créancier ou d’un tiers sur certains biens appartenant au débiteur la loi de l’État membre sur le territoire duquel se trouve le bien en question (voir, en ce sens, arrêts du 5 juillet 2012, ERSTE Bank Hungary, C‑527/10, EU:C:2012:417, points 40 à 42, et du 16 avril 2015, Lutz, C‑557/13, EU:C:2015:227, point 27). |
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Par conséquent, s’agissant de l’affaire au principal, la question de la qualification du droit concerné de droit « réel » aux fins de l’application de l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement s’examine au regard du droit national, en l’occurrence du droit allemand. |
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20 |
À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que les charges foncières en cause au principal constituent des droits patrimoniaux réels étant donné que le propriétaire de l’immeuble grevé doit tolérer l’exécution forcée du titre constatant la créance fiscale, sur cet immeuble. En tout état de cause, il appartient à la juridiction de renvoi de constater et d’apprécier les faits du litige dont elle est saisie ainsi que d’interpréter et d’appliquer le droit national (arrêt du 8 juin 2016, Hünnebeck, C‑479/14, EU:C:2016:412, point 36) afin d’établir si la créance de taxe foncière en cause au principal peut être considérée comme un droit réel selon le droit allemand. |
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21 |
En deuxième lieu, il convient de rappeler que, si l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1346/2000 ne définit pas la notion de « droit réel », il précise néanmoins, au moyen d’une série d’exemples de droits qualifiés de « réels » par ce règlement, la portée et, partant, les limites de la protection accordée par cette disposition aux privilèges, aux garanties ou aux autres droits, prévus par le droit interne des États membres, des créanciers d’un débiteur insolvable. |
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22 |
En effet, comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général, aux points 43 et 44 de ses conclusions, afin de ne pas priver de son effet utile la limitation du champ d’application de l’article 5 dudit règlement aux droits « réels », il y a lieu de considérer que les droits considérés comme « réels » par la législation nationale concernée doivent remplir, pour relever dudit article 5, certains critères. |
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23 |
En l’occurrence, s’agissant d’un droit tel que celui en cause au principal, il convient de constater que celui-ci, sous réserve des vérifications qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, remplit ces critères énumérés à l’article 5, paragraphe 2, du règlement no 1346/2000, dans la mesure où, d’une part, il constitue une charge grevant directement et immédiatement un bien immobilier taxé et où, d’autre part, le propriétaire de l’immeuble doit en tolérer l’exécution forcée sur celui-ci, aux termes de l’article 77, paragraphe 2, première phrase, de l’AO. En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, au cours d’une procédure d’insolvabilité, l’administration fiscale bénéficie, au titre de la charge foncière en cause au principal, de la qualité de créancier privilégié. |
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24 |
En troisième lieu, cette constatation n’est pas de nature à être remise en cause par la circonstance, relevée par la Commission dans ses observations, selon laquelle ledit article 5 doit être interprété de manière stricte en ce qu’il constitue une exception à la règle générale consacrée à l’article 4 de ce règlement de telle sorte qu’il ne viserait que les droits réels octroyés dans le cadre de transactions commerciales. |
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25 |
En effet, d’une part, si, selon une jurisprudence constante, une disposition dérogatoire doit être interprétée de manière stricte, il n’en convient pas moins de veiller à ce que cette disposition ne soit pas privée de son effet utile (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, BLV Wohn- und Gewerbebau, C‑395/11, EU:C:2012:799, point 33 et jurisprudence citée). |
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26 |
D’autre part, ni le libellé des dispositions du règlement no 1346/2000 ni les objectifs poursuivis par celui-ci ne permettent d’interpréter l’article 5 de ce règlement en ce sens qu’il ne couvrirait pas les droits réels accordés en dehors du cadre d’une transaction commerciale. |
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27 |
S’agissant du libellé des dispositions en cause, il y a lieu de relever que ledit article 5 ne comporte aucun élément susceptible de limiter le champ d’application de cet article en fonction de l’origine du droit réel concerné ou de la nature, de droit public ou de droit privé, de la créance garantie par ce droit réel. |
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28 |
En ce qui concerne les objectifs poursuivis par cette disposition, il ressort du considérant 24 du règlement no 1346/2000 que les exceptions à la règle générale de désignation de la loi applicable, consacrée à l’article 4 de ce règlement, visent à « protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions dans des États différents de celui de l’ouverture », le caractère commercial des droits ou des créances concernés étant, à cet égard, indifférent. |
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29 |
En outre, rien ne permet de déduire du considérant 25 du règlement no 1346/2000, aux termes duquel il est « particulièrement » nécessaire de prévoir, pour les droits réels, un rattachement particulier qui déroge à la loi de l’État d’ouverture, ces droits revêtant une importance considérable pour l’octroi de crédits, que cette exception ne couvrirait que les garanties réelles accordées dans le cadre des seuls contrats commerciaux ou de crédit. Il apparaît, au contraire, qu’une limitation du champ d’application de l’article 5 du même règlement en fonction de l’origine commerciale du droit réel concerné se heurterait à l’objectif, expressément énoncé au considérant 24 de ce règlement, de protéger la confiance légitime et la sécurité des transactions. |
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30 |
En tout état de cause, il y a lieu de constater qu’une interprétation de l’article 5 du règlement no 1346/2000 en ce sens que l’exception qu’il prévoit ne couvrirait que les seuls droits réels constitués dans le cadre de transactions commerciales ou de crédit aboutirait à un traitement défavorable des titulaires de droits réels accordés dans le cadre de transactions autres que commerciales. |
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31 |
Or, comme l’a relevé, en substance, M. l’avocat général aux points 64 à 67 de ses conclusions, le règlement no 1346/2000 repose sur le principe d’égalité de traitement des créanciers et sur celui selon lequel ses dispositions doivent être appliquées indépendamment de la nature, commerciale ou autre, des créances garanties par les droits réels. Ainsi, s’agissant de la possibilité pour les créanciers de produire leurs créances par écrit dans le cadre de la procédure d’insolvabilité, l’article 39 de ce règlement exclut toute discrimination des autorités fiscales et des organismes de sécurité sociale des États membres autres que l’État sur le territoire duquel la procédure d’insolvabilité a été ouverte. |
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32 |
Dans ces conditions, il y a lieu de répondre à la question que l’article 5 du règlement no 1346/2000 doit être interprété en ce sens que constitue un « droit réel », au sens de cet article, une sûreté constituée en vertu d’une disposition de droit national, telle que celle en cause au principal, selon laquelle l’immeuble du débiteur de taxes foncières est grevé de plein droit d’une charge foncière de droit public et ce propriétaire doit tolérer l’exécution forcée du titre constatant la créance fiscale, sur cet immeuble. |
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33 |
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. |
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Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit : |
| L’article 5 du règlement (CE) no 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être interprété en ce sens que constitue un « droit réel », au sens de cet article, une sûreté constituée en vertu d’une disposition de droit national, telle que celle en cause au principal, selon laquelle l’immeuble du débiteur de taxes foncières est grevé de plein droit d’une charge foncière de droit public et ce propriétaire doit tolérer l’exécution forcée du titre constatant la créance fiscale, sur cet immeuble. |
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Signatures |
Source
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