Sommaire
1. L’impossibilité d'ouvrir une procédure principale d’insolvabilité prévue par l'article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être objective et ne saurait varier en fonction des circonstances spécifiques dans lesquelles l'ouverture d'une telle procédure est demandée. Si cette impossibilité peut résulter des caractéristiques tenant à la qualité du débiteur, elle ne peut pas, en revanche, résulter du seul fait qu'une personne déterminée, tel le représentant du ministère public d'un État membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, n'a pas, selon la loi de l'État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, qualité pour demander l'ouverture d'une procédure principale dans cet État membre.
Par conséquent, l'expression «conditions établies» qui figure audit article 3, paragraphe 4, sous a), et qui renvoie aux conditions empêchant, selon la loi de l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans cet État, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas les conditions excluant certaines personnes déterminées du cercle de celles habilitées à demander l’ouverture d’une telle procédure.
(cf. points 21, 23-24, 26, disp. 1)
2. L'objectif poursuivi par le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, est, ainsi qu'il ressort du dix-septième considérant de celui-ci, de limiter au strict minimum les cas dans lesquels l'ouverture de procédures secondaires peut être demandée avant celle d'une procédure principale d'insolvabilité. Les conditions d'ouverture d'une procédure territoriale indépendante selon l'article 3, paragraphe 4, sous b), dudit règlement doivent donc être entendues strictement.
Ainsi, le terme «créancier», qui figure à cette disposition et qui est utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante, doit être interprété en ce sens qu’il n’inclut pas une autorité d’un État membre qui, selon le droit national de celle-ci, a pour mission d’agir dans l’intérêt général, mais qui n’intervient pas en tant que créancier, ni au nom et pour le compte des créanciers.
(cf. points 22, 29, 34, disp. 2)
Publication reference
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Publication reference: Recueil de jurisprudence 2011 -00000
Document number
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ECLI identifier: ECLI:EU:C:2011:743
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Celex-Nr.: 62010CJ0112
Authentic language
-
Authentic language: néerlandais
Dates
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Date of document: 17/11/2011
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Date lodged: 01/03/2010
Classifications
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Subject matter
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Directory of EU case law
Miscellaneous information
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Author: Cour de justice
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Country or organisation from which the decision originates: Belgique
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Form: Arrêt
Procedure
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Type of procedure: Recours préjudiciel
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Judge-Rapportuer: Berger
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Advocate General: Mengozzi
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Observations: Commission européenne, EUINST, EUMS, Grèce
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National court:
- *A9* Hof van Cassatie, 1e kamer, arrest van 04/02/2010 (C.08.0596.N)
Legal doctrine
3. Espiniella Menéndez, Angel: Legitimación del Ministerio Fiscal para instar un concurso territorial "independiente" - Nota a la Sentencia del TJUE de 17 de noviembre de 2011, asunto C-112/10, Procureur Generaal / Zaza Retail BV, Diario La ley 2012 nº 7808 p.1-3 (ES)
5. Polak, M.V.: Nederlandse jurisprudentie ; Uitspraken in burgerlijke en strafzaken 2012 nº 258 (NL)
1. Schmidt, Jessica: Zu den Voraussetzungen für die Eröffnung eines unabhängigen Partikularinsolvenzverfahrens ("Zaza Retail"), Entscheidungen zum Wirtschaftsrecht 2011 p.807-808 (DE)
4. Michalopoulos, Georgios: Zitimata efarmogis tou arthrou 3 par. 4 tou Kan. 1346/2000 schetika me tin enarxi topikis anexartitis diadiiasias aferegkyotitas, Dikaio Epicheiriseon & Etairion 2012 p.250-252 (EL)
2. Idot, Laurence: Procédures territoriales indépendantes et rôle du ministère public, Europe 2012 Janvier Comm. nº 1 p.55 (FR)
8. Carballo Piñeiro, Laura: Apertura de procedimiento secundario de insolvencia - Sentencia del tribunal de Justicia de la Unión Europea (Sala Primera), de 17 de noviembre de 2011, asunto C-112/10, Procureur-generaal bij het hof van beroep te Antwerpen c. Zaza Retail BV, Revista española de Derecho Internacional 2012 nº 1 p.191-193 (ES)
7. Kourouvani, Eleni: Kathorismos ton epitrepton periptoseon enarxis tis anexartitis topikis diadikasias aferegyotitas, Elliniki Epitheorisi Evropaïkou Dikaiou 2012 p.103-106 (EL)
6. D'Avout, Louis: Droit du commerce international. Procédures d'insolvabilité, Recueil Le Dalloz 2012 p.2340-2342 (FR)
Relationship between documents
-
Case affecting:
Affects Legal instrument Provision Interprète 32000R1346 A03P4LA Interprète 32000R1346 A03P4LB -
Instruments cited:
Legal instrument Provision Paragraph in document 32000R1346 C17 N 4 21 22 32000R1346 A03P1 N 5 17 32000R1346 A03P4 N 5 18 32000R1346 A03P4LB N 1 14 27 - 34 32000R1346 A29 N 6 30 32000R1346 A03P4LA N 1 14 20 - 26 32000R1346 C12 N 3 22 32000R1346 A03P2 N 5 17 62004CJ0341 N 17 62007CJ0444 N 17
Affaire C-112/10
Procureur-generaal bij het hof van beroep te Antwerpen
contre
Zaza Retail BV
(demande de décision préjudicielle, introduite par le Hof van Cassatie)
«Règlement (CE) nº 1346/2000 — Procédures d’insolvabilité — Ouverture d’une procédure territoriale d’insolvabilité — Conditions établies par la loi nationale applicable empêchant l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité — Créancier habilité à demander l’ouverture d’une procédure territoriale d’insolvabilité»
Sommaire de l'arrêt
1. Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000 — Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité — Ouverture d'une procédure territoriale avant l'ouverture d'une procédure principale — Conditions
(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 3, § 4, a))
2. Coopération judiciaire en matière civile — Procédures d'insolvabilité — Règlement nº 1346/2000 — Compétence internationale pour ouvrir une procédure d'insolvabilité — Ouverture d'une procédure territoriale avant l'ouverture d'une procédure principale — Conditions
(Règlement du Conseil nº 1346/2000, art. 3, § 4, b))
1. L’impossibilité d'ouvrir une procédure principale d’insolvabilité prévue par l'article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, doit être objective et ne saurait varier en fonction des circonstances spécifiques dans lesquelles l'ouverture d'une telle procédure est demandée. Si cette impossibilité peut résulter des caractéristiques tenant à la qualité du débiteur, elle ne peut pas, en revanche, résulter du seul fait qu'une personne déterminée, tel le représentant du ministère public d'un État membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, n'a pas, selon la loi de l'État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, qualité pour demander l'ouverture d'une procédure principale dans cet État membre.
Par conséquent, l'expression «conditions établies» qui figure audit article 3, paragraphe 4, sous a), et qui renvoie aux conditions empêchant, selon la loi de l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans cet État, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas les conditions excluant certaines personnes déterminées du cercle de celles habilitées à demander l’ouverture d’une telle procédure.
(cf. points 21, 23-24, 26, disp. 1)
2. L'objectif poursuivi par le règlement nº 1346/2000, relatif aux procédures d’insolvabilité, est, ainsi qu'il ressort du dix-septième considérant de celui-ci, de limiter au strict minimum les cas dans lesquels l'ouverture de procédures secondaires peut être demandée avant celle d'une procédure principale d'insolvabilité. Les conditions d'ouverture d'une procédure territoriale indépendante selon l'article 3, paragraphe 4, sous b), dudit règlement doivent donc être entendues strictement.
Ainsi, le terme «créancier», qui figure à cette disposition et qui est utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante, doit être interprété en ce sens qu’il n’inclut pas une autorité d’un État membre qui, selon le droit national de celle-ci, a pour mission d’agir dans l’intérêt général, mais qui n’intervient pas en tant que créancier, ni au nom et pour le compte des créanciers.
(cf. points 22, 29, 34, disp. 2)
ARRÊT DE LA COUR (première chambre)
Dans l’affaire C‑112/10,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Hof van Cassatie (Belgique), par décision du 4 février 2010, parvenue à la Cour le 1er mars 2010, dans la procédure
contre
LA COUR (première chambre),
avocat général: M. P. Mengozzi,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 mars 2011,
considérant les observations présentées:
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement (CE) n° 1346/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif aux procédures d’insolvabilité (JO L 160, p. 1, ci-après le «règlement»).
Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Procureur-generaal bij het hof van beroep te Antwerpen (procureur général près la cour d’appel d’Anvers, Belgique) à Zaza Retail BV (ci-après «Zaza Retail»), société de droit néerlandais établie à Amsterdam (Pays-Bas), au sujet d’une action en déclaration de faillite engagée par ledit procureur général à l’encontre d’un établissement que possède en Belgique Zaza Retail.
Le douzième considérant du règlement dispose:
«Le présent règlement permet d’ouvrir les procédures d’insolvabilité principales dans l’État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur. Ces procédures ont une portée universelle et visent à inclure tous les actifs du débiteur. En vue de protéger les différents intérêts, le présent règlement permet d’ouvrir des procédures secondaires parallèlement à la procédure principale. Des procédures secondaires peuvent être ouvertes dans l’État membre dans lequel le débiteur a un établissement. Les effets des procédures secondaires se limitent aux actifs situés dans cet État. Des règles impératives de coordination avec les procédures principales satisfont l’unité nécessaire au sein de la Communauté.»
Le dix-septième considérant du règlement prévoit:
«Avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité principale, l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité dans l’État membre où le débiteur a un établissement ne devrait pouvoir être demandée que par les créanciers locaux et les créanciers de l’établissement local ou lorsque le droit de l’État membre où le débiteur a son centre d’intérêt principal ne permet pas d’ouvrir une procédure principale. Cette limitation est justifiée par le fait que l’on vise à limiter au strict minimum les cas dans lesquels des procédures territoriales indépendantes sont demandées avant la procédure d’insolvabilité principale [...]»
L’article 3 du règlement, qui traite de la compétence internationale, dispose:
«1. Les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d’insolvabilité. [...]
2. Lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur est situé sur le territoire d’un État membre, les juridictions d’un autre État membre ne sont compétentes pour ouvrir une procédure d’insolvabilité à l’égard de ce débiteur que si celui-ci possède un établissement sur le territoire de cet autre État membre. Les effets de cette procédure sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur ce dernier territoire.
[...]
4. Une procédure territoriale d’insolvabilité visée au paragraphe 2 ne peut être ouverte avant l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité en application du paragraphe 1 que:
a) si une procédure d’insolvabilité ne peut pas être ouverte en application du paragraphe 1 en raison des conditions établies par la loi de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur
ou
b) si l’ouverture de la procédure territoriale d’insolvabilité est demandée par un créancier dont le domicile, la résidence habituelle ou le siège se trouve dans l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné, ou dont la créance a son origine dans l’exploitation de cet établissement.»
L’article 29 du règlement, relatif au droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire, prévoit:
«L’ouverture d’une procédure secondaire peut être demandée par:
a) le syndic de la procédure principale;
b) toute autre personne ou autorité habilitée à demander l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité en vertu de la loi de l’État membre sur le territoire duquel l’ouverture de la procédure secondaire est demandée.»
L’article 3, paragraphe 1, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites (Belgisch Staatsblad, du 28 octobre 1997, p. 28562), telle que modifiée par la loi du 4 septembre 2002 (Belgisch Staatsblad, du 21 septembre 2002, p. 42928), dispose:
L’article 6 de ladite loi prévoit:
«Sans préjudice des dispositions de la loi sur le concordat judiciaire, la faillite est déclarée par jugement du tribunal de commerce saisi soit sur l’aveu du commerçant, soit sur citation d’un ou plusieurs créanciers, du ministère public, de l’administrateur provisoire visé à l’article 8 ou du syndic de la procédure principale dans le cas visé à l’article 3, paragraphe 1.»
Le 14 novembre 2006, le procureur du Roi près le rechtbank van eerste aanleg te Tongeren (Belgique) a requis la déclaration de faillite de l’établissement que possède en Belgique Zaza Retail, dont le centre des intérêts principaux est situé à Amsterdam.
À cette date, aucune procédure d’insolvabilité n’avait encore été engagée contre Zaza Retail aux Pays-Bas.
Par jugement du 4 février 2008, le rechtbank van koophandel te Tongeren (Belgique) a déclaré Zaza Retail en faillite.
Par arrêt du 9 octobre 2008, le hof van beroep te Antwerpen a réformé le jugement du rechtbank van koophandel te Tongeren et dit pour droit que ni ledit rechtbank ni elle-même n’avait de compétence internationale leur permettant de statuer sur la demande d’ouverture d’une procédure territoriale d’insolvabilité à l’égard de Zaza Retail eu égard à l’établissement que celle-ci possédait en Belgique.
Le ministère public a saisi le Hof van Cassatie d’un pourvoi contre cet arrêt. Il fait valoir, en premier lieu, que le terme «créancier» utilisé à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement ne peut pas être interprété de manière restrictive et que le ministère public peut également demander l’ouverture d’une procédure de faillite. Ce faisant, le ministère public jouerait le rôle de gardien de l’intérêt général et interviendrait, en cas d’inertie des créanciers institutionnels ou individuels, aux lieu et place de ceux-ci. En second lieu, le ministère public soutient que l’exception prévue à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement s’applique également à la demande d’ouverture d’une procédure de faillite présentée par le ministère public parce que, s’il n’était pas compétent pour présenter cette demande, il ne pourrait pas obtenir l’ouverture d’une procédure principale aux Pays-Bas, qui est l’État membre où se situe le centre des intérêts principaux du débiteur.
C’est dans ces conditions que le Hof van Cassatie a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:
2) Le terme ‘créancier’ qui figure à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement peut-il être interprété de manière extensive en ce sens qu’une autorité d’un État membre que son droit national habilite à engager une procédure d’insolvabilité et qui intervient dans l’intérêt général et en tant que représentant de l’ensemble des créanciers pourrait le cas échéant introduire de manière valide la procédure d’insolvabilité territoriale conformément à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement?
Parallèlement à la procédure d’insolvabilité ouverte en Belgique, Zaza Retail a été déclarée en faillite aux Pays-Bas par décision du tribunal d’Amsterdam du 8 juillet 2008.
Avant d’examiner les questions préjudicielles, il convient de rappeler le système mis en place par le règlement.
À cet égard, l’article 3 du règlement prévoit deux types de procédures d’insolvabilité. La procédure d’insolvabilité ouverte, conformément au paragraphe 1 de cet article, par la juridiction compétente de l’État membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur, qualifiée de «procédure principale», produit des effets universels, en ce qu’elle s’applique aux biens du débiteur situés dans tous les États membres dans lesquels le règlement est applicable. Si une procédure peut, conformément au paragraphe 2 dudit article, être ouverte par la juridiction compétente de l’État membre où le débiteur possède un établissement, cette procédure, qualifiée de «procédure secondaire» ou de «procédure territoriale», produit des effets qui sont limités aux biens du débiteur se trouvant sur le territoire de ce dernier État (voir, en ce sens, arrêts du 2 mai 2006, Eurofood IFSC, C‑341/04, Rec. p. I‑3813, point 28, et du 21 janvier 2010, MG Probud Gdynia, C‑444/07, Rec. p. I-417, point 22).
L’ouverture d’une procédure secondaire ou territoriale est soumise à des conditions différentes selon qu’une procédure principale a déjà été ouverte ou non. Dans la première hypothèse, la procédure est qualifiée de «procédure secondaire» et est régie par les dispositions du chapitre III du règlement. Dans la seconde, la procédure est qualifiée de «procédure territoriale indépendante» et les cas d’ouverture sont déterminés par l’article 3, paragraphe 4, de ce règlement. Cette disposition vise deux situations, à savoir, en premier lieu, celle où il est impossible d’ouvrir une procédure principale en raison des conditions établies par la loi de l’État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux et, en second lieu, celle où l’ouverture d’une procédure territoriale dans l’État membre sur le territoire duquel se trouve un établissement du débiteur est demandée par certains créanciers qui ont un lien particulier avec ce territoire.
Par ses questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour de préciser le régime applicable dans ces deux dernières situations.
Par sa première question, la juridiction demande, en substance, si l’expression «conditions établies», qui figure à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement et qui renvoie aux conditions empêchant, selon la loi de l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans cet État, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise seulement les conditions de fond relatives à la qualité du débiteur ou qu’elle inclut également les conditions relatives à la qualité des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une telle procédure.
À cet égard, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement concerne l’hypothèse où une procédure principale d’insolvabilité «ne peut pas être ouverte». Le dix-septième considérant de ce règlement évoque, pour sa part, une situation dans laquelle la loi de l’État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux «ne permet pas d’ouvrir» une telle procédure. Il ressort de ces libellés que l’impossibilité d’ouvrir une procédure principale doit être objective et ne saurait varier en fonction des circonstances spécifiques dans lesquelles l’ouverture d’une telle procédure est demandée.
Cette lecture est conforme à l’objectif poursuivi par l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement qui est, ainsi qu’il ressort du dix-septième considérant de celui-ci, de limiter au strict minimum les cas dans lesquels l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante peut être demandée avant celle d’une procédure principale d’insolvabilité. Si le système mis en place par le règlement permet la coexistence d’une procédure principale et de procédures secondaires, c’est, comme le souligne le douzième considérant de celui-ci, dans le respect de règles impératives de coordination destinées à assurer l’unité nécessaire au sein de l’Union. Or, une telle coordination ne peut être assurée tant qu’une procédure principale n’a pas été ouverte.
Comme l’ont fait valoir Zaza Retail, le gouvernement hellénique et la Commission européenne, l’impossibilité d’ouvrir une procédure principale d’insolvabilité peut résulter des caractéristiques tenant à la qualité du débiteur, excluant que ce dernier puisse faire l’objet d’une procédure d’insolvabilité. À titre d’exemples, ils évoquent de manière pertinente la situation dans laquelle, parmi les conditions établies par la loi de l’État membre sur le territoire duquel ce dernier a le centre de ses intérêts principaux, figure la qualité de commerçant, que le débiteur n’aurait pas, ou encore celle dans laquelle le débiteur serait une entreprise publique qui, selon ladite loi, ne pourrait être déclarée insolvable.
En revanche, l’impossibilité d’ouvrir une procédure principale d’insolvabilité ne peut résulter du seul fait qu’une personne déterminée, tel le représentant du ministère public d’un État membre sur le territoire duquel le débiteur possède un établissement, n’a pas, selon la loi de l’État membre où le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, qualité pour demander l’ouverture d’une procédure principale dans ce dernier État membre. En effet, dès lors qu’il n’est pas contesté que d’autres personnes, notamment des créanciers, seraient habilitées à présenter une telle demande, il en résulte que l’ouverture d’une procédure principale est bel et bien possible.
Tel est d’ailleurs le cas dans l’affaire au principal, puisqu’il ressort de la décision de renvoi que Zaza Retail a été déclarée en faillite aux Pays-Bas par décision du tribunal d’Amsterdam du 8 juillet 2008.
Il y a donc lieu de répondre à la première question que l’expression «conditions établies», qui figure à l’article 3, paragraphe 4, sous a), du règlement et qui renvoie aux conditions empêchant, selon la loi de l’État membre sur le territoire duquel le débiteur a le centre de ses intérêts principaux, l’ouverture d’une procédure principale d’insolvabilité dans cet État, doit être interprétée en ce sens qu’elle ne vise pas les conditions excluant certaines personnes déterminées du cercle de celles habilitées à demander l’ouverture d’une telle procédure.
Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le terme «créancier», qui figure à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement et qui est utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante, peut être interprété en ce sens qu’il inclut une autorité d’un État membre qui, selon le droit national de celle-ci, a pour mission d’agir dans l’intérêt général et aux fins de garantir l’intérêt de l’ensemble des créanciers.
À titre liminaire, il convient de relever que le règlement ne définit pas le terme de créancier.
Il convient également de rappeler que, pour les motifs exposés aux points 21 et 22 du présent arrêt, les conditions d’ouverture d’une procédure territoriale indépendante selon l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement doivent également être entendues strictement.
Cette approche restrictive apparaît dans la comparaison des dispositions dudit article et de celles de l’article 29 relatif au droit de demander l’ouverture d’une procédure secondaire. Tandis que ce dernier ouvre ce droit au syndic de la procédure principale d’insolvabilité ainsi qu’à toute personne ou autorité habilitée par la loi de l’État membre dans lequel la demande d’ouverture est présentée, l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement restreint le cercle des personnes habilitées à agir à certains créanciers déterminés présentant un lien particulier avec l’État membre sur le territoire duquel est situé l’établissement concerné du débiteur. Il s’agit des créanciers établis dans cet État membre ainsi que des créanciers de cet établissement.
S’agissant du ministère public belge, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que, en l’absence de toute créance propre à produire au passif du débiteur, il n’est pas un créancier au sens habituel du terme dans les procédures d’insolvabilité.
Il ressort en effet de la décision de renvoi que le ministère public a pour mission, dans le cadre de ces procédures, d’agir dans l’intérêt général. L’intervention de cette autorité publique répondrait au souci de traiter en temps utile les difficultés d’une entreprise, en suppléant, le cas échéant, à l’inaction du débiteur et de ses créanciers. S’il ne saurait être exclu que l’intervention du ministère public puisse, dans certains cas, répondre à l’intérêt de l’ensemble des créanciers ou, à tout le moins, de certains d’entre eux, il semble établi que cette autorité n’intervient ni en qualité de créancier ni en qualité de représentant de l’ensemble des créanciers. En effet, il est expressément indiqué dans la décision de renvoi que, en droit belge, le ministère public n’agit pas au nom et pour le compte des créanciers.
Eu égard à l’interprétation restrictive que doit recevoir l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement, une autorité publique agissant dans ces conditions ne peut être assimilée à un créancier au sens de cette disposition et, partant, être incluse dans le cercle des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une procédure territoriale d’insolvabilité.
À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que le terme «créancier», qui figure à l’article 3, paragraphe 4, sous b), du règlement et qui est utilisé pour désigner le cercle des personnes habilitées à demander l’ouverture d’une procédure territoriale indépendante, doit être interprété en ce sens qu’il n’inclut pas une autorité d’un État membre qui, selon le droit national de celle-ci, a pour mission d’agir dans l’intérêt général, mais qui n’intervient pas en tant que créancier, ni au nom et pour le compte des créanciers.
Compte tenu de la réponse apportée à la deuxième question, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.
La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:
Signatures
Source
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